Community:
- a group of people
living in the same place or having a particular characteristic in common.
- a feeling of fellowship with others, as
a result of sharing common attitudes, interests, and goals.
Il ne se passe pas un jour sans
que j’entende ce mot. Que ce soit à la télé (émissions diverses et variées),
dans des pubs (télé, radio, affiches publicitaires) ou dans la presse écrite, community est un mot-valise qui revient
régulièrement. Et c’est un mot traître. On croit savoir ce que cela veut dire, mais
en fait c’est plus complexe qu’il n’y parait.
Depuis que je suis à Baltimore,
je participe à deux types d’activités de recherche : l’une à l’université
Johns Hopkins, et l’autre à l’UMBC. Le sujet que nous traitons à l’UMBC est sense of community parmi les immigrants de 1e et 2e
génération. Lorsqu’on m’a proposé de participer à cette étude, je dois admettre
que je n’avais pas bien compris le sujet. En fait je voyais bien en quoi des
immigrants fraîchement arrivés (ou installés depuis plus longtemps) pouvaient
rechercher l’appui de leurs compatriotes dans la même situation, mais pour moi
cela s’arrêtait là.
Et puis j’ai petit à petit
compris que community est plus large
que ça. En fait TOUT LE MONDE a une OU plusieurs community(ies). Cela peut évidemment être le neighborhood : on voit souvent les gens discuter sur le
pas de leur porte, se prêter main forte si nécessaire (ce qui nous a bien aidé pendant
les épisodes de forte neige du début d’année) ou s’asseoir sur le pas de leur
porte (en tout cas dans notre quartier semi-résidentiel avec des maisons de
ville les unes contre les autres). Mais c’est également l’église à
laquelle appartiennent les gens (et les américains sont définitivement bien
plus croyants que les français). Mais ça peut être aussi la communauté des gens
qui ont fait les mêmes études (high
school, university). Cela peut
éventuellement (et plus rarement) être les gens avec qui on travaille.
C’est aussi les compatriotes du pays d’origine, ou du/des pays d’origine
des parents, ou des grands-parents… Car n’oublions pas que tout le monde est
capable de dire d’où il est originaire (même s’il est de 3e
génération d’immigration ou plus, ce que dans l’étude que je citais plus haut nous
appelons les américains d’origine …).
Ce qui est intéressant c’est ce
qu’implique de faire partie d’une community.
En fait c’est bien un sentiment de fellowship,
de camaraderie qui fait qu’a priori
vous êtes bien disposé à l’égard des membres de votre community, et que vous êtes prêt à les aider et les soutenir, ne
serait-ce qu’un petit peu (évidemment cela ne remplace pas les amitiés, mais ça
les complète).
C’est donc une notion séduisante.
Quoi de mieux que ce sentiment d’être soutenu lorsque ça va mal ou de partager
(share, encore un mot-valise
important …) les joies quand ça va bien ? C’est un peu l’ambiance de la
coupe du monde 98 à petite échelle (sans vouloir remuer le couteau …) !
Dans les hôpitaux de Johns Hopkins je rencontre régulièrement des patients avec
de graves soucis de santé, qui non seulement sont resilients (on m’a dit que les américains sont très résilients et
je crois que c’est vrai) mais en plus sont très soutenus par leur famille,
leurs amis, quelque fois les membres de leur église et leur pasteur … Et vu que
le système de santé public est bien moins présent qu’en France, ce n’est pas un
luxe (mais ça, c’est un autre sujet).
Mais à y regarder de plus près je
trouve que c’est aussi une notion réductrice. En effet, si vous êtes a priori bien disposés à l’égard de vos communities, vous êtes a priori indifférent (si ce n’est
hostile dans le pire des cas) vis-à-vis des autres. Cela n’empêche évidemment
pas la bonne humeur et l’intérêt qu’un américain affiche de prime abord pour
vous, mais cela explique aussi, je pense, le fait qu’il est assez difficile
d’aller plus loin dans les relations. En ce qui nous concerne, c’est par
exemple par le biais de l’école des enfants et le travail qu’au bout de
quelques mois on s’est fait du moins des amis, en tout cas des connaissances
proches (cependant je conçois que ce soit difficile de faire beaucoup mieux en
à peine 6 mois …).
Du coup dans ce pays vous êtes à
la fois très entouré et très seul… Je discutais par exemple avec un américain à
qui je disais que ce que j’aime moins ici c’est quand-même l’individualisme. Et
il m’a répondu : « oui, si tu veux, on est individualiste mais on est
très proche des gens de notre community ».
Je trouve aussi qu’il est
superficiel d’aimer a priori tous les
membres d’un groupe. En France, j’aime bien certains de mes voisins, mais pas
tous, même chose au travail ou ailleurs. Et cette notion de community poussée à l’extrême me parait
un peu comme un carcan…
Et c’est aussi un concept qui
plus largement va bien avec l’état d’esprit américain : il n’y a pas de
modèle ni de norme, il y a de la place pour tous et tous ont le droit d’avoir
leurs idées, habitudes, façon de faire, etc. Ce qui fait que là où l’immigrant
en France est supposé épouser la manière de vivre des français sous peine
d’être stigmatisé, ici le nouveau venu comme les plus anciens ont leur mot à
dire. Du coup on assiste à une juxtaposition de communities, qui cohabitent mais ne communiquent pas forcément
toujours.
Bon, je fais peut-être un peu de
mauvais esprit. Retenons de cette notion ce qu’elle a de plus positif : le
soutien et le partage dans les joies comme dans les peines !
Libellés : Bien vivre ensemble, Français