Lorsque nous avons commencé à
mettre en place notre expatriation d’un an ici aux Etats-Unis nous étions très
contents. En effet c’était un projet que nous avions depuis plusieurs années et c’était enfin le bon moment. Pourtant il y a une seule idée qui me terrifiait
car était dans le domaine du possible : c’était l’idée (ou le fantasme)
d’une fusillade à l’école des enfants, idée absolument terrifiante et pas
totalement délirante (l’épisode de fusillade dans le lycée du Colorado survenu
en décembre dernier y contribuait).
J’ai déjà fait un post sur les
armes à feu et on peut penser que je suis obsédée par elles. A chaque fois que
j’aborde le sujet avec des amis américains, ils me disent tous en substance la
même chose : les fusillades et les blessés et morts par balle sont
extrêmement rares, généralement dans les quartiers défavorisés, et même si
c’est terrifiant, ce n’est qu’un épiphénomène.
Peut-être qu’en tant que français
nous faisons toute une histoire de cette question. L’expression en anglais qui
me vient à l’esprit et semble traduire la pensée de ces amis est overwhelming (exagéré, voire hors de
propos). Pourtant ces derniers jours encore il y a eu une petite fille tuée par
une balle perdue lors d’un échange de tirs dans le nord de Baltimore (il est
vrai dans un quartier défavorisé).
Lorsque j’ai emmené pour la 1e
fois mes enfants chez le pédiatre pour les visites de routine, il m’a posé
beaucoup de questions sur eux et leur environnement (les 1e visite
sont TRES détaillées) : leur poids, taille, habitudes alimentaires,
comportement, antécédents personnels et familiaux, … que sais-je encore. Il m’a
aussi demandé si on avait des produits dangereux (produits ménagers par exemple)
et s’ils étaient placés dans des placards fermés. Et il m’a aussi demandé « Do you have guns? ». Comme le reste
des questions étaient tout à fait habituel pour moi (c’est grosso modo la même chose en France) j’étais à des km de comprendre
sa question. Mon esprit a alors vagabondé sur le terme français
« gant » et je me suis demandé de quel gant il parlait ? Gant de
cuisine ? (puisqu’il avait parlé des produits ménagers) ? Mais enfin
que demandait-il au juste ? Comme il a vu que j’étais perplexe il a fait
le geste pour simuler une arme à feu, et ça m’a arraché un cri involontaire
« Oh my God no! » ce qui
l’a fait rire.
Mais quoi qu’en disent nos amis,
la question des armes à feu n’est pas si anodine. J’ai récemment lu à ce propos
un article intéressant dans Baltimore
Child (July 2014) intitulé
« Practicing Gun Control ».
L’auteure rappelle que chaque
jour aux Etats-Unis un enfant de moins de 14 ans est tué ou blessé par une
décharge accidentelle d’une arme à feu. Elle rappelle aussi qu’il y a 3
millions d’armes à feu détenues sans autorisation. Et elle souligne surtout que
même si on n’en a pas chez soi, il y en a peut-être chez des copains chez qui
votre enfant peut être invité et donne des conseils pour réduire les
risques : en parler pour enlever leur mystère et charme, insister sur le
fait que les vraies armes sont différentes des jouets (même si certaines armes
ressemblent beaucoup à des jouets ou autrement dit certains jouets sont
d’aspect très proches des vraies armes), éduquer les enfants, en discuter
ouvertement avec eux (bien évidemment éviter de parler des sujets gênants ne
les protège pas, bien au contraire), garder les armes sous clé, penser à parler
aussi des armes vues dans les medias (télé, jeux vidéos, etc.)
Concernant la question des armes
à feu je pense aussi à un article étonnant dans le magazine Johns Hopkins Public Health (Spring 2014) intitulé « Gauging Gun Risks ».
En général les professionnels de
santé militent pour le droit des personnes malades, en particulier lorsqu’elles
rencontrent des préjugés comme c’est le cas des personnes atteintes de troubles
mentaux. C’est ce que fait cet article. Sauf que ce que l’auteur soutient dans
cet article c’est que les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas particulièrement
violents (pas plus que le reste de la population) et doivent avoir droit … à
avoir une arme à feu !
Il y a aussi une idée dans cet
article qui me fait tiquer non pas seulement en tant que professionnelle de la
santé, mais aussi en tant que citoyenne (française, il est vrai). En effet
l’auteur (et le rapport d’experts qu’il cite) insiste sur le fait que le
diagnostic d’un trouble mental ne prédit pas un comportement violent (ce qui ne
me surprend pas) et qu’il faut au contraire se baser sur le comportement passé
(ce qui me surprend plus) : « Past
behavior is the best indication of future behavior, and that’s where we’re
going to be effective in concentrating our efforts on gun violence prevention
policy » selon le rapport cité par l’auteur. Mais n’est-ce pas
exactement le contraire du principe de la 2e chance (notamment pour les
personnes ayant commis un crime et ayant “payé leur dette à la société”)? Il
est vrai que l’article cite des préconisations de mise sous surveillance et
restriction temporaires (de l’ordre de 5 ans).
A noter en fin de cet article
(version papier) que chaque année 31000 personnes meurent et 74000 sont blessés
par des armes à feu aux Etats-Unis, (soit un ratio de 10 tués par balle et 23.5
blessés par balle pour 100000 habitants) alors qu’il y a moins d’une centaine
de tués par balle en France par an, dont une moitié d’accidents de chasse (soit
un ratio d’environ 0.1 pour 100000 habitants).
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