Connaissez
vous ce dessin animé canadien (québécois pour être exact) appelé
"Caillou"? Il s'agit d'un dessin animé destiné aux enfants de 2 à 4 ans
environ, racontant les aventures d'un petit garçon de 3-4 ans, chauve
(d'où j'imagine le nom Caillou), qui vit avec sa petite sœur de 1 an - 1
an et demi et ses parents. Et certains parents américains lui ont
déclaré la guerre!
"Caillou"
est un dessin animé qui a été créé de 1997 à 2006 mais qui passe encore
aux Etats-Unis sur certaines chaînes du câble (je ne me souviens plus
lesquelles). Les Américains prononcent "Caillou" à peu près "Caya", ce
qui fait que la 1e fois que j'ai entendu un parent (en l'occurrence un
papa qui était aussi un de mes collègues) parler de ce dessin animé, il
m'a fallu quelques instants avant de faire le rapprochement.
Quasiment
à chaque fois que j'ai entendu parler de ce dessin animé, c'était en
mal! Les parents américains trouvent le personnage principal geignard,
égoïste, colérique et mal élevé. Certains vont jusqu'à moquer sa tête
chauve et sa voix qualifiée de nasillarde et sa prononciation "bébé". Et
ils trouvent que le personnage apprend à leurs enfants à être
colériques et égoïstes.
J'ai
connu ce dessin animé par hasard en format DVD à la FNAC quand mon fils
aîné avait 2 ans environ. J'ai acheté un DVD, puis suis retournée plus
tard acheter le 2e DVD disponible car ce dessin animé très court (des
épisodes de moins de 10 minutes) lui plaisait beaucoup. A l'époque il
n'y avait pas d'autres DVD de Caillou disponible en France (du moins à
la FNAC), donc au bout d'un moment mon fils est passé à autre chose. Et
ses deux petits frères, quand leur tour est venu, n'ont pas vraiment
"mordu" à ce dessin animé. Ma connaissance de Caillou remonte donc à
environ 6-7 ans et mes souvenirs des épisodes sont grandement effacés.
Pourtant
ce dessin animé ne m'a jamais "horrifiée" comme c'est le cas de ces
parents américains (ils se disent eux-mêmes "horrifiés"). Pour moi il
s'agissait des aventures d'un petit garçon "réel" (avec son
ambivalence), qui fait des colères mais qu'on arrive à raisonner, qui a
des sentiments mixtes (qualifié "d'égoïsme" par certains?) mais d'un
"gentil garçon" tout de même, et tout en écrivant cela je trouve un peu
étrange de parler d'un personnage de dessin animé en ces termes!
Je
trouvais de plus que ce dessin animé pouvait servir "d'exutoire" à mon
fils: il pouvait constater que d'autres enfants de son âge peuvent aussi
faire parfois des colères, que ce n'est pas souhaitable mais pas
dramatique non plus et que l'essentiel est de prendre conscience des
limites et de se calmer au bout d'un moment...
Mais
selon les parents américains qui sont contre ce dessin animé, il
apprend à leurs enfants de mauvaises manières. Sur un site de pétition
(oui, oui, pétition! signé par 5900 personnes, à l'heure où j'écris, et
ça n'arrête pas d'augmenter!) qui a été créé récemment contre "Caillou"
et sa diffusion à la télé, on lit des propos excessifs (que je vous
laisse découvrir si vous le souhaitez) mais même les plus "modérés" le
qualifient souvent de whiney brat (morveux geignard).
Si
j'étais arrivée par hasard à ce site de pétition (et à l'article qui va
avec), j'aurais pensé qu'il s'agit là d'une poignée de parents
extrémistes. Mais j'ai entendu ces mêmes propos par ce collègue que je
respectais. Et j'ai relu récemment des propos semblables sur la page
Facebook du réseau des mamans du quartier où j'habitais à Baltimore (et
dont je suis toujours membre). Et je crois qu'une partie des parents
modérés et raisonnables américains a vraiment une dent contre ce dessin
animé!
Ce
qui m'amène à un autre témoignage des différences de style de parentage
entre la France et les Etats-Unis, qui permet de comprendre ce décalage
d'appréciation entre la France et les Etats-Unis. Je vous avais parlé
dans un précédent article du livre Bringing up Bébé (ou en version
française Bébé made in France) écrit par Pamela Druckerman, journaliste
américaine installée en France avec sa famille. J'ai finalement acheté
ce livre là-bas aux Etats-Unis, en version originale, et je l'ai
partiellement parcouru.
Pamela
Druckerman souligne deux choses dans son livre : d'abord que les
parents français sont plus permissifs que les parents américains, tant
que l'enfant reste à l'intérieur d'un cadre (traduit par frame mais elle
s'y réfère en général en français dans le texte).
Or
j'ai côtoyé des parents américains pendant cette année passée aux
Etats-Unis. Et j'ai surtout remarqué qu'ils étaient plus dans la louange
(praize) que nous vis-à-vis de leurs enfants. Il m'a aussi semblé que
les enfants et les parents américains que je côtoyaient étaient quasi en
permanence en accord : en fait il y a certains comportement des enfants
qui me surprenaient mais n'avaient pas l'air de surprendre ni leurs
parents et ni les autres parents américains (pour être clair je
trouvaient parfois ces enfants "gâtés", voire "mal élevés"). Mais j'ai
rarement constaté une dissonance entre parents et enfants : en clair les
parents avaient toujours l'air très fiers du comportement de leurs
enfants, je dirais même en "fusion" avec eux, là où mon mari et moi
étions parfois excédés par certains comportements de nos enfants et
pouvions parfois les réprimander en situation, fut-ce en public.
Il
y a donc une apparente contradiction : nous trouvions parfois leurs
enfants loués pour rien et les Américains trouvent les Français plus
permissifs. Mais je crois que fondamentalement (et comme le souligne P
Druckerman) les Français accordent une autonomie plus grande que les
Américains à leurs enfants : pour nous l'enfant est un être séparé de
nous avec ses états d'âme et son caractère, et avec son ambivalence.
Et
c'est le 2e point que j'ai trouvé très intéressant dans ce livre :
selon P Druckerman les Américains sont plus dans le tout blanc / tout
noir, plus manichéens que les Français. Elle cite par exemple les livres
pour enfant où aux Etats-Unis il y a toujours une solution au problème
soulevé et une hiérarchie des valeurs là où les livres français pour
enfant font davantage place à l'ambivalence et à la complexité de la vie
et des personnages. Elle donne aussi l'exemple du jeu avec les pétales
d'une fleur qui en français donne "il/elle m'aime un peu, beaucoup,
passionnément, à la folie, pas du tout" alors qu'aux Etats-Unis cela
devient "he/she loves me, he/she loves me not".
Enfin
toute cette histoire m'apprend subsidiairement que les Québécois
partagent avec les Français non seulement la langue, mais aussi une
partie des principes éducatifs?!
Si
vous êtes parents et que vous êtes installés au Québec, dites-moi ce
que vous en pensez! Et si vous habitez ailleurs, quels sont les
principes éducatifs de votre pays d'adoption?
Libellés : Education des enfants, Français