Image tirée de la série
télé « Recess » – Saison 4,
Episode 7 intitulé « Recess is
cancelled »
J’ai à de nombreuses reprises
fait ici l’éloge de certains traits de caractère des Américains ou d’organisation
de la vie aux Etats-Unis mais il ne s’agit pas d’une admiration totale et naïve.
Il y a en particulier 2 domaines (en plus de la question des armes à feu qui me
terrifie toujours autant aux Etats-Unis) dans lesquels la France a, à mon sens,
une avance qualitative certaine sur les USA. Il s’agit des
assurances automobiles et du comportement des conducteurs en cas de pépin d’une
part et de l’organisation du temps scolaire d’autre part.
J’ai déjà fait allusion à l’organisation
du temps scolaire dans plusieurs de mes articles. L’école, surtout pour les plus petits est incroyablement trop sérieuse aux
Etats-Unis. Les enfants sont censés faire massivement l’apprentissage des academics (les matières
fondamentales telles que la langue et les mathématiques), au détriment
notamment de tout temps ludique ou même du sport. Je me souviens par exemple
avoir entendue la professeure de mon fils de 5 ans alors (en Kindergarten ou Grande Section de
Maternelle à Baltimore pendant notre séjour en 2014) se plaindre que lorsqu’ils
s’étaient tous assis par terre il s’était allongé… Quand j’ai demandé à quelle
fin ils s’étaient assis par terre elle m’a répondu avec de l’étonnement dans la
voix « pour faire des Maths bien-sûr ». Je n’ai pas voulu m’opposer à
cette enseignante mais il m’avait semblé inhabituel quoiqu’intéressant de se
mettre par terre pour faire des Maths et surtout j’avais pensé que dans tous
les cas ce n’était pas dramatique que quelques-uns en profitent pour se mettre
à l’aise (surtout que mon fils à cette époque ne parlait quasiment pas un mot d’anglais),
mais apparemment cette enseignante l’avait pris presque pour une offense
personnelle.
Cette obsession pour les matières fondamentales trouve ses racines dans
deux problématiques, l’une ancienne et l’autre récente. En effet les
Américains, contrairement aux Français, pensent que plus on stimule les enfants
de bas âge, meilleurs sont les résultats. Autrement dit ils pensent qu’une
des missions des adultes référents de l’enfant (et avant tout de ses parents)
est de le stimuler afin qu’il apprenne un maximum de choses, et ce le plus tôt
possible. Alors qu’en France on pense qu’il faut laisser (un peu) de temps au
temps et laisser à l’enfant le temps d’atteindre sa maturité éducative à chaque
étape de son développement. C’est notamment pour cela que la crèche et même l’école
maternelle sont considérées surtout comme des temps de socialisation,
bien avant d’être des lieux d’apprentissages académiques. Cette différence
de conception de l’éducation est ancienne (datant du 20e siècle,
avec notamment les enseignements de F. Dolto en France, bien différents de
ceux du père de la science de l’éducation aux Etats-Unis, Dr B. Spock). Je me
souviens par exemple que le pédiatre me demandait à chaque visite si mon fils
de 2 ans savait lire et écrire l’alphabet et les premiers nombres, suggérant
gentiment qu’on s’y mette au plus vite, alors que mon mari et moi pensions qu’on
avait largement le temps et qu’on verrait cela en Petite Section voire la
Moyenne Section de la Maternelle, soit vers 4-5 ans…
La raison plus récente de cet
engouement pour les matières fondamentales est la réforme scolaire de l’Administration
Obama (que je connais mal) mais qui notamment a instauré des tests
nationaux par niveau scolaire, et qui conditionne une partie des subventions
de l’Etat aux résultats des élèves de chaque école à ces tests. Les écoles n’ont
donc pas de temps à consacrer au « superflu » et bien souvent la
récréation (recess) est réduite à la
portion congrue, voire est absente.
J’avais consacré une partie d’un
précédent article à ce sujet et au fait que dans l’école de mes enfants à
Baltimore il n’y avait pas de récré de toute la journée ! (la journée
étant heureusement circonscrite de 7h45 à 14h30). Même à l’heure du déjeuner
les enfants mangeaient dans un réfectoire très bruyant, devant un dessin animé
(pour les plus petits), sans jamais sortir du bâtiment. En 2014 une partie des parents d’élèves de
cette école se battaient pour faire introduire une récré de 15 minutes, 2 fois
PAR SEMAINE, en proposant leur aide bénévole dans l’organisation de ces récrés.
Car en plus « d’empiéter » sur le temps scolaire, la récré fait peur
puisque c’est par définition un temps où les enfants courent, peuvent tomber et
se blesser ou se chamailler. C’est d’ailleurs pour cela que les parents
bénévoles amenaient une quantité incroyable de jeux avec eux (cordes à sauter,
hula hoop, ballons, etc.) et se chargeaient d’ORGANISER des jeux : pas de
jeux libres et en particulier courir était interdit aux élèves ! De
plus les parents bénévoles avaient comme consigne de ne pas toucher aux enfants
(pour les séparer en cas de dispute par exemple). En effet en cas de
chamaillerie ou de comportements « inadaptés » on devait appeler un
enseignant (pour des questions d’assurances, mais aussi parce que d’autres
parents pointilleux pouvaient vous accuser de harcèlement !) Enfin la
récré ainsi timidement introduite n’avait lieu que les jours de grand soleil
(pas question de sortir les enfants quand il vente ou pleut comme en France) et
était considérée comme un « privilège » et si en particulier
un élève n’avait pas bien travaillé en classe, il en était privé.
Je me suis depuis rendue compte
que même si la récré n’est pas systématiquement absente dans toutes les écoles
américaines, sa durée et sa fréquence est partout bien moindre qu’en France. L’article
ci-dessous en parle très bien.
Dans cet article l’auteure parle
du problème de manque de récré et du fait que dans une école de Texas on a mis
en place l’équivalent de vélos d’appartement dans des classes de Kindergarten, au lieu d’autoriser les
élèves à sortir à la récré ! Un coup d’œil aux commentaires montre l’hostilité
d’une partie des parents à la récré (on reproche à l’auteure de l’article
de faire l’amalgame avec les enfants qui ont des problèmes de concentration et
de l’hyperactivité) mais une autre partie des parents reconnait que l’absence
de récré est un vrai problème.
Cet autre article montre l’intérêt
de la récré selon ses défenseurs :
Enfin voici un site sur les
lois et recommandations en matière de récréation par Etat, aux Etats-Unis. On remarque que dans de nombreux Etats, non
seulement la récré n'est pas obligatoire, mais en plus elle n’est même pas
forcément recommandée.
https://recessfacts.wordpress.com/legislation/recess-across-the-united-states/
Personnellement, je ne comprends
vraiment pas cette réticence vis-à-vis de la récré et je suis plus qu’heureuse
que mes enfants aient retrouvé le « privilège » systématique de la
récré dans leurs écoles françaises.
Libellés : Ecole, Français