En France il y a un mot qu’on
prononce plusieurs dizaines de fois par jour : c’est le mot
« bonjour ». Cette entrée en
en matière est tellement répandue qu’on peut presque penser qu’elle est
universelle. Pourtant il n’en est rien.
Je lis de temps en temps ici et
là des articles étrangers (écrits en particulier par des anglophones) sur l’importance de ce mot et combien son emploi en
France est surprenant. Personnellement j’y suis tellement habituée que lors de
mes premiers voyages à l’extérieur de la France (en particulier en Angleterre
et aux Etats-Unis) je ne pouvais imaginer ne serait-ce que demander mon chemin
sans d’abord dire bonjour. Il m’a fallu un petit moment pour me rendre compte
que cela étonnait mes interlocuteurs. A contrario je trouvais assez malpolis
les gens qui posaient directement une question à une vendeuse dans un magasin
par exemple sans dire bonjour, ni même dire a minima « excusez-moi,
… »
De même quand j’y réfléchis bien,
en Persan non plus on n’aborde pas
les gens en disant « bonjour ». Tout au plus on commence sa phrase
par « bebakhshid » (« excusez-moi ») mais plus souvent par
un « Madame …. » ou « Monsieur … » prononcée sur un certain
ton caractéristique.
Pourtant en France il n’est pas question
d’aborder quelqu’un, même pour une question anodine, sans commencer par un
« bonjour ». Aborder quelqu’un sans prononcer d’abord le mot
« bonjour » dénote généralement d’un manque de politesse notoire. On
peut à la rigueur le remplacer par « bonsoir » à partir de la tombée
de la nuit, mais même là un « bonjour » n’est pas franchement
choquant.
Il m’est arrivé très peu de fois en
France de commencer une phrase sans le « bonjour » et je m’en suis
mordu les doigts à chaque fois ! Il s’agissait à chaque fois d’une
situation d’urgence, pas une urgence vitale, mais une urgence du style
« je vois le bus qui s’approche et si je ne me dépêche pas je vais le
rater » ou « tiens je vois mes enfants qui sont un peu plus loin dans
le magasin commencer à mettre le bazar dans le rayon, il faut que j’aille les
arrêter », ce genre d’urgence. Et quasiment à chaque fois on m’a répondu
froidement voire, on m’a toisée en disant « bonjour » et en attendant
que je réponde, avant de daigner répondre à ma question !
Malgré tout j’aime les rôles de cordialité
et de clarification joués par ce mot. En effet c’est d’abord un signe de
cordialité, cela signifie
« j’arrive dans votre espace et je vous demande l’autorisation de vous
déranger ». Dans ce sens il est enseigné très tôt aux enfants et
permet vraiment de les inscrire dans les échanges sociaux.
Il permet aussi de jauger
l’interlocuteur et de clarifier
l’ambiance de l’échange. En effet, selon le ton sur lequel l’autre personne
vous répond, vous savez à qui vous avez affaire et à quoi vous en tenir. Un
bonjour sec vous met tout de suite dans l’ambiance, vous savez que la personne
en face vous en veut personnellement ou du moins est de mauvaise humeur. Vous
pouvez alors abréger l’échange, ou adapter votre ton. C’est particulièrement
utile dans les administrations : quand vous arrivez devant un guichet, en
fonction de la tonalité de la réponse à votre bonjour, vous savez à quoi vous
attendre !
Il
y a pourtant pire que ne pas dire bonjour : c’est ne pas recevoir de
réponse à son bonjour ! Cela arrive quelque fois quand on
arrive dans un groupe, par exemple
dans une salle d’attente. Quelque fois vous dites bonjour et personne ne
répond. En général cela est dû à un effet de groupe en négatif : personne ne se sent responsable de retourner
votre bonjour. C’est agaçant mais pas très grave.
Par contre quand vous dites
bonjour et l’interlocuteur ne répond pas, en attendant que vous exprimiez votre
« requête », c’est qu’il instaure un bras de fer en vous signifiant clairement que vous avez besoin de
lui. Cela arrive quelquefois dans les administrations. Je me souviens d’une
secrétaire dans un centre d’activité extrascolaire d’un de mes enfants qui ne
daignait jamais répondre à mes bonjours. Là pour le coup, c’était vraiment énervant !
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